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victor bérard - Page 2

  • Odysseus/Ulysse. 3.

    Odysséus/Ulysse, c’est depuis toujours qu’on l’aime. Sachant tout juste lire, on avait reçu en cadeau un livre d’images racontant ses aventures. Banco : Odysseus/Ulysse, c’est un héros sur lequel on peut s’appuyer : confronté aux pires difficultés, il a toujours une solution, il sait quoi faire et donc, il s’en sort. Et Vivant.

    C’est ainsi qu’en le prenant comme modèle, on s’est toujours méfié du chant des Sirènes qui disent toujours ce qu’on voudrait bien entendre, ce qui est une solution de facilité à laquelle il est préférable de ne pas se laisser aller parce qu’on risquerait de le regretter.

    « Par ici, viens par ici, le bel Ulysse ! Gloire au joyau des Achéens !
    Personne qui n’ai croisé par ici, non, pas un noir vaisseau,
    Avant d’avoir senti le miel de notre voix couler de notre bouche :
    Tout le monde s’en va ravi et rempli de savoir. »
    (L’Odyssée, trad. E. Lascoux, Chant XII, vers 184/188).
    « le miel de notre voix »… Tu parles !...
    « Viens, Ulysse fameux, gloire éternelle de la Grèce,
    Arrête ton navire afin d’écouter notre voix !
    Jamais aucun navire noir n’est passé par là
    Sans écouter de notre bouche de doux chants. »
    (L’Odyssée, trad. P. Jaccottet, Chant XII, vers 184/188)
    « Viens ici ! viens à nous ! Ulysse tant vanté ! l’honneur de l’Achaïe! … Arrête ton croiseur : viens écouter nos voix ! Jamais un noir vaisseau n’a doublé notre cap, sans ouïr les doux airs qui sortent de nos lèvres ; puis on s’en va content et plus riche en savoir, car nous savons les maux, tous les maux… »
    (L’Odyssée, trad. V. Bérard, Chant XII, lignes 184/189).
    « Viens, ô illustre Odysseus, grande gloire des Akhaiens. Arrête ta nef, afin d’écouter notre voix. Aucun homme n’a dépassé notre île sur sa nef noire sans écouter notre douce voix ; puis il s’éloigne, plein de joie, et sachant de nombreuses choses. »
    (L’Odyssée, trad. Leconte de l’Isle, Rhapsodie XII, p. 207)
    Vaisseau, navire, croiseur, nef… On opte pour navire.

    De même, des Cyclopes prêts à tout dévorer, ces tyrans qui fonctionnent à la peur sous prétexte qu’ils sont forts, ceux pour qui tout gentil est une possible proie, eh bien, à chaque fois qu’on en a rencontré un, on lui a dit qu’on n’était personne. Non non non ! On a déjà fait demi-tour ! Il n’y a personne à dévorer !

    « Personne, c’est mon nom : oui, c’est Personne que m’appellent
    Ma mère, mon père, et tout le monde, tous mes compagnons. »
    (L’Odyssée, trad. E. Lascoux, Chant IX, vers 366/368)
    « Je m’appelle Personne, et Personne est le nom
    Que mes parents et tous mes autres compagnons me donnent. »
    (L’Odyssée, trad. P. Jaccottet, Chant IX, vers 366/367)
    « C’est Personne, mon nom : oui ! mon père et ma mère
    et tous mes compagnons m’ont surnommé Personne. »
    (L’Odyssée, trad. V. Bérard, Chant IX, lignes 366/368)
    « Mon nom est Personne. Mon père et ma mère
    et tous mes compagnons me nomment Personne. »
    (L’Odyssée, trad. Leconte de l’Isle, Rhapsodie IX, page 154).

    Croyez-le, enfant confronté à une situation familiale chaotique, être personne, on aurait bien aimé. Le joli volume illustré dans lequel on lisait, relisait, relisait sans cesse l'Iliade et l'Odyssée, on le garda longtemps. Il disparut un jour. Mais on le reconnaîtrait entre mille. Non, entre des millions de livres. Et même, car nul doute que ce livre héroïque a survécu à toutes les bennes du monde et qu’il est possiblement quelque part, entre des milliards de livres.

  • Odysseus.

    Cet été, relire L’Odyssée, d’Homère.
    Sur le bureau, plusieurs éditions donc plusieurs traducteurs.

    La préférée, celle de Philippe Jaccottet dont les pages se détachent à force d’avoir été lues et relues depuis tant d’années.

    « O Muse, conte-moi l’aventure de l’Inventif :
    celui qui pilla Troie, qui pendant des années erra,
    voyant beaucoup de villes, découvrant beaucoup d’usages,
    souffrant beaucoup d’angoisses dans son âme sur la mer
    pour défense sa vie et le retour de ses marins
    sans en pouvoir pourtant sauver un seul, quoi qu’il en eût :
    par leur propre fureur ils furent perdus en effet,
    ces enfants qui touchèrent aux troupeaux d’un dieu d’En haut,
    le Soleil qui leur prit le bonheur du retour… »


    Celle de Leconte de l’Isle à laquelle on n’a jamais accroché :
    « Dis-moi, Muse, cet homme subtil qui erra si longtemps, après qu’il eût renversé la citadelle sacrée de Troie. »

    Celle de Victor Bérard, on n’eût longtemps que celle-ci :
    « C’est l’Homme aux mille tours, Muse, qu’il faut me dire, celui qui tant erra quand, de Troade, il eut pillé la ville sainte, Celui qui visita les cités de tant d’hommes et connut leur esprit, Celui qui, sur les mers, passa par tant d’angoisse, en luttant pour survivre et ramener ses gens. »

    Celle d’Emmanuel Lascoux, la toute nouvelle avec laquelle il faut faire connaissance :
    « Muse, dis-moi l’homme aux détours, l’homme aux ruses qui connu
    Tant d’errance, à peine achevé le saccage de Troie, la cité sainte :
    tous les gens dont il vit les villes, et dont il sonda les pensées ! »